Diplomatie non gouvernementale

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Ce concept désigne le rôle, l'influence et l'intervention des ONG dans le débat public et les négociations internationales.

Origine du concept

Le concept de « diplomatie non gouvernementale » a été développé depuis 2003 par Henri Rouillé d’Orfeuil (président de Coordination SUD de 2001 à 2008), notamment dans un texte écrit avec Jorge Eduardo Durão (directeur-général de l’ABONG de 2001 à 2006), directeur général de l’ABONG (association brésilienne des ONG) et dans un livre La diplomatie non gouvernementale, les ONG peuvent-elles sauver le monde ? (coll. Enjeux Planète, Editions de l’Atelier, 2006). A lire également le livre bilingue Diplomatie non gouvernementale : L’intervention des ONG dans un système international en crise (ouvrage collectif, ABONG et Coordination SUD, 2007).

Ce concept désigne le rôle, l’influence et l’intervention des ONG dans le débat public et les négociations internationales.

Il a fortement inspiré le travail de veille, de suivi et de pression dans le cadre des activités de plaidoyer de Coordination SUD sur les grands enjeux du développement au niveau international et européen, ainsi que le programme avec les plates-formes nationales d’ONG, initié avec l’ABONG en 2003 et qui a permis, en 2008, de créer le Forum international des plates-formes nationales d’ONG, avec 82 plates-formes de pays différents (www.ong-ngo.org).

Le multilatéralisme, qui constitue le cadre dans lequel se négocient les règles du jeu, est lui-même un monde de droit très complexe où des juristes s’affrontent. Les ONG, qui souhaitent interagir avec ces professionnels de la négociation, doivent connaître et comprendre ce monde complexe.

Mais s’il faut se plier aux règles lorsque la partie est engagée, rien n’interdit de voir à plus long terme et d’essayer de les changer. C’est même ce qui occupe les diplomates, mandatés par leurs gouvernements pour établir des situations de droits qui soient plus favorables à leurs intérêts et à leurs acteurs nationaux. La construction d’un droit international est la résultante de la malice, mais surtout de la force, des négociateurs gouvernementaux. Les différents acteurs, dont le succès dépend largement des règles auxquelles ils doivent se soumettre, s’efforcent d’influer ces négociateurs pour les convaincre de leurs intérêts propres. Les ONG, œuvrant dans différents domaines en partenariat avec des « victimes » de l’ordre établi, ont pris conscience de l’importance, dans un monde globalisé, du droit international. Elles s’organisent donc elles aussi pour interagir avec les négociateurs et pour intervenir dans les processus diplomatiques. Il revient aux gouvernements de trouver des positions qui incarnent la manière dont ils perçoivent l’intérêt national, un intérêt qui souvent n’est que celui des acteurs qu’ils veulent ou doivent privilégier.

Application du concept

Le concept de "diplomatie non gouvernementale" a fortement inspiré le travail de veille, de suivi et de pression dans le cadre des activités de plaidoyer de Coordination SUD sur les grands enjeux du développement au niveau international et européen, ainsi que le programme avec les plates-formes nationales d'ONG, initié avec l'ABONG en 2003 et qui a permis, en 2008, de créer le Forum international des plates-formes nationales d'ONG, avec 82 plates-formes de pays différents. Un principe commun pour les ONG : ne pas accepter l’inacceptable

Puisque les règles du jeu ou, pour le moins, certaines d’entre elles conduisent à des situations sociales et environnementales inacceptables, il n’y a, bien sûr, pas lieu de les accepter. Et pour ce faire, et ne pas se battre seul contre des forces internationales considérables, le droit d’association, qui constitue l’un des piliers de la démocratie et le socle de ce que nous appelons la démocratie participative, permet à des citoyens qui partagent la même volonté de faire évoluer les règles et le droit international, de regrouper leurs forces.

La définition de l’inacceptable est souvent subjective. Elle dépend de valeurs propres à chaque culture. Mais elle a aussi une part d’universel et c’est cet universel qui fonde l’idée de communauté internationale et, plus spécifiquement, le système des Nations unies. La Déclaration universelle des droits humains est une référence commune à toutes les Nations qui se déclarent unies et c’est autour de la défense des droits universels que les ONG de toutes régions du monde doivent se retrouver.

Les ONG sont des regroupements de citoyens qui défendent des droits universels. Elles ne sont pas de la même famille que des associations qui défendent les intérêts propres de leurs membres, comme c’est le cas par exemple des syndicats ou des organisations paysannes. Les unes et les autres vont néanmoins souvent se rapprocher lorsque la défense des intérêts de certaines catégories d’acteurs recoupe la défense des droits humains. Les ONG construisent donc des partenariats avec des associations regroupant des segments des sociétés civiles.

Les ONG se doivent donc d’être des « combattantes contre l’inacceptable ». Le combat contre l’inacceptable se déroule à deux niveaux : celui de l’action locale au plus près des victimes et avec elles, et au plus près des problèmes auxquels celles-ci font face ; celui de l’action internationale aux marges des processus diplomatiques où se négocient les nouvelles règles et les nouveaux droits internationaux. Une partie de la légitimité des ONG vient de leur capacité à articuler ces deux engagements local et international.

Les différentes familles d’acteurs collectifs non gouvernementaux internationaux

Toutes les ONG peuvent s’exprimer dans le débat public international, mais toutes ne peuvent pas être entendues. Pour être entendu, il faut avoir une certaine puissance d’émission et, pour être considéré, il faut être légitime, représentatif et exprimer une parole indépendante. Ces différents éléments nous ont amenés à établir une typologie sommaire des acteurs non gouvernementaux internationaux, qui fait apparaître trois familles de nature différentes, pouvant elles-mêmes s’appuyer sur des regroupements internationaux multi-acteurs qui jouent des rôles déterminants, mais dont la fonction n’est pas de constituer un acteur collectif organisé susceptible d’intervenir dans les processus diplomatiques. Il s’agit bien d’une typologie sommaire qui regroupe souvent des acteurs qui peuvent paraître fort différents, mais qui pourtant au regard des relations internationales se positionnent de manière voisine. Par ailleurs, ces trois familles ont des histoires diverses et des maturations inégales, l’une d’elles - les coalitions de plates-formes nationales d’ONG, encore récente - n’a pas encore pris toute sa place dans le jeu international.

Ces trois familles d’acteurs internationaux non gouvernementaux peuvent être ainsi caractérisées : - Les organisations internationales non gouvernementales (OING) : il s’agit d’ONG qui ont parcouru en solo le chemin qui va du local à l’international. Dépassant l’échelle de leurs pays d’origine, elles ont en général créé une entité internationale puis ont essaimé, créant des filiales ou des relais dans différents pays, en priorité dans les pays du Nord. Pour prendre les quatre domaines majeurs de la « solidarité internationale », nous pouvons citer Amnesty international pour la défense des droits humains, Médecins sans frontières pour l’humanitaire d’urgence, OXFAM pour l’appui au développement et Greenpeace pour la défense de l’environnement. - Les fédérations d’ONG appartenant à une même famille : Caritas internationalis, par exemple, regroupe des ONG catholiques qui se fédèrent jusqu’au niveau international. Nous trouvons des mouvements fédératifs dans de nombreux domaines, par exemple dans les domaines culturel, scientifique, social, etc. - Les coalitions de plates-formes ou de fédérations nationales d’ONG qui, au moins en théorie, permettent d’embarquer toutes les ONG locales et nationales et de les faire participer aux débats publics et aux processus de négociation internationaux. Ce mouvement du local vers l’international passe par la création de plates-formes nationales et de coalitions régionales de ces plates-formes nationales, et peut se poursuivre par la création de coalitions internationales.

Il est perceptible que les deux premières familles, dont l’efficacité et la légitimité est grande, ne mobilisent que des catégories d’ONG spécifiques et, somme toute, restreintes, et que cette lacune peut être corrigée par la troisième famille qui, toujours en théorie, mobilise l’ensemble des ONG (y compris d’ailleurs celles qui font partie des deux premières familles).

À ces acteurs, juridiquement constitués, s’ajoutent deux autres formes de regroupements internationaux : - Les regroupements thématiques multi-acteurs : c’est le cas des regroupements qui se constituent pour « faire campagne » et qui, donc, se spécialisent dans un domaine donné, comme les annulations de dettes ou la lutte contre la pauvreté. Ces regroupements concernent des acteurs variés d’une société civile aux contours quelque peu flous : ONG, associations diverses, syndicats, autorités locales, etc. - Les réseaux de personnalités : il s’agit le plus souvent de personnalités d’influence – anciens responsables politiques, anciens fonctionnaires internationaux, artistes, intellectuels, sportifs, etc. Ces réseaux – et on pense à des personnalités comme Bob Geldoff ou Bono – donnent une publicité aux causes défendues et facilitent des actions de fund raising.

Les pratiques de la diplomatie non gouvernementale

Les ONG et, plus spécifiquement, les acteurs non gouvernementaux internationaux, cherchent à atteindre et à influencer les négociateurs. Les négociateurs sont atteignables directement, particulièrement dans leur pays d’origine où ils reçoivent les instructions des autorités gouvernementales. Ils seront aussi particulièrement sensibles aux pressions indirectes. Et, pour ce faire, deux publics sont importants : les réseaux militants, liés aux ONG, qui développent une communication de proximité et donnent droit de cité à des idées ou des analyses marginales ; les journalistes qui informent l’opinion publique qui elle-même peut donner une valeur politique, c’est-à-dire électorale, à ces analyses et aux propositions des ONG. Les campagnes d’opinion contribuent à cette popularisation. Outre les ONG, d’autres acteurs sociaux peuvent y participer et interpeller les autorités gouvernementales.

De fait, les ONG ont réussi à transformer des idées marginales, connues et portées par une minorité éclairée, en idées électorales et politiques dont les partis politiques vont se saisir. Ce parcours des idées, qui va de 3 % à 30 % de notoriété, doit être balisé et dynamisé par des ONG, en alliance avec d’autres acteurs concernés, comme par exemple avec des scientifiques. Le changement climatique est un bon exemple de ce parcours des idées. Il est aujourd’hui une question centrale des vies politiques nationales et de la vie diplomatique internationale.

Les résultats de la diplomatie non gouvernementale

Depuis une quinzaine d’années, les ONG ont été actives sur toutes les scènes diplomatiques et dans tous les types de négociations. Elles ont contribué à une bonne part des avancées diplomatiques de ces dernières années.

Dans le domaine de la sécurité et de la paix, les ONG ont porté le droit de la guerre et le droit humanitaire. Elles ont lancé le processus qui a abouti à la convention sur l’interdiction des mines anti-personnelles et d’autres processus qui pourraient aboutir à deux nouvelles conventions sur le contrôle des armes légères et sur l’interdiction des armes à sous munitions. Elles ont aussi initié le mouvement qui a permis la création de la Cour pénale internationale. Elles sont présentes dans les conflits, dénoncent les manquements aux droits humanitaires et aux droits humains, manquements qui, dans les cas extrêmes, permettent de qualifier des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, voire des génocides. Elles informent de ces faits les agences des Nations unies et les membres du Conseil de sécurité. En termes de prévention, les ONG ont contribué à faire descendre dans les rues des grandes villes du monde plus de quinze millions de personnes pour manifester contre la volonté du président Bush d’engager militairement les Nations unies en Irak. Ces manifestations n’ont pas empêché la guerre, mais elles ont conforté les oppositions et contribué au refus du Conseil de sécurité de donner mandat aux autorités américaines.

Dans le domaine commercial, les ONG ont organisé avec les syndicats un front d’opposition à la mondialisation dite néolibérale. Ce front a permis de donner forme à une large contestation de cette mondialisation qui se manifeste dans les Forum sociaux mondiaux ou régionaux. Le triomphalisme néolibéral des années 1990 est aujourd’hui derrière nous. Plus concrètement, les négociations commerciales se sont ralenties et ont dû admettre des exceptions significatives. Une clause de sauvegarde peut désormais être invoquée quand se posent des problèmes sérieux de santé publique, clause permettant au pays concerné de produire des génériques. La question du coton a contribué à compliquer la négociation de l’accord agricole et à mettre, pour une fois, en avant les intérêts des pays africains. La mise en évidence du déclin et de l’instabilité des prix agricoles et des dommages ainsi causés à la moitié paysanne de l’humanité a posé la question fondamentale, mais iconoclaste, de la régulation des marchés.

Dans le domaine social, les Chefs d’État ont pris l’engagement de réaliser les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Pour chaque Objectif, les ONG ont mené campagne tout au long des années 1990. Pour financer les services sociaux correspondants, les ONG ont maintenu une pression constante pour un accroissement de l’APD (aide publique au développement) et les annulations de dettes. Elles ont aussi milité pour la création de taxes internationales, qui commencent à être l’objet de négociations internationales. Elles ont enfin milité contre les paradis fiscaux et la corruption qui minent les fiscalités nationales et privent les gouvernements et leurs peuples de ressources financières et, donc, d’investissement et de services publics.

Enfin, dans le domaine environnemental, la Conférence sur l’environnement et le développement de Rio de Janeiro n’aurait pas abouti à l’élaboration de l’Agenda 21 ni à la signature des deux grandes conventions sur le climat et la diversité biologique sans la mobilisation des ONG et leur pression constante.

Le bilan de cette diplomatie non gouvernementale est d’autant plus significatif que celles-ci sont des acteurs pauvres et modestes comparés aux grands acteurs économiques qui jouent leur propre jeu et défendent des intérêts contradictoires. Mais cette action internationale des ONG et ce pouvoir de mobilisation qu’ont acquis les ONG, exigent d’elles une responsabilité et une transparence dans l’usage qu’elles en font. Il doit servir exclusivement à la construction d’un monde de droit et de solidarité.


Notes et références de l'article

Voir aussi

Articles connexes

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