Ethique, morale, action, bonté

De Coredem
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Définitions

  • L'usage du terme d'éthique (du grec ethos, les mœurs, la conduite) s'est considérablement développé au point de devenir à la mode, se substituant progressivement à la morale jugée un peu trop rigide et désuète. L'éthique est cette partie de la philosophie qui développe une réflexion critique sur les critères, les justifications et les limites de l'action, de la morale et du désir. Elle se distingue de l'éthologie malgré une racine commune en ceci qu'elle n'est pas une science descriptive et explicative du comportement, mais bien une discipline réflexive et parfois normative. L'éthique en général vise à préciser les conditions d'évaluation du sens et de la valeur de l'action, de ses motivations et de ses conséquences. Elle se démarque de la sociologie et plus généralement des sciences sociales et humaines par le fait qu'elle n'est pas censée maintenir comme elles une attitude de neutralité à l'égard des valeurs (la neutralité axiologique de Weber). L'éthique, enfin, se distingue d'une théorie de l'action, qui se limiterait à la dimension simplement physique ou psychique de l'agir, par son examen critique de la validité et de la légitimité des normes morales. Cependant, elle incite à une comparaison entre action morale et action technique de façon à faire ressortir la spécificité de l'activité humaine qui n'est pas seulement instrumentale au sens d'Habermas. On peut donner quelques exemples de questions éthiques : existe-t-il des valeurs universelles sur lesquels les représentants de différentes cultures pourraient s'entendre (par exemple la paix, la liberté,…) ? L'imputation de responsabilité peut-elle concerner un individu dont l'action n'était pas volontaire, par exemple un accident de la route ? Quelle est la différence entre une action morale et une action neutre (ou intéressée), par exemple dans le cas où un ami me rend service ?
  • La morale (du latin mores, les mœurs) est l'ensemble des valeurs et des obligations qui forment un code de conduite plus ou moins implicite susceptible de s'appliquer aux individus au sein d'une communauté humaine. La morale est distinguée de l'éthique à titre de convention en ceci qu'elle constitue une donnée sociale, tandis que l'éthique apparaît comme une réflexion critique sur la morale. Cela dit, il arrive à certains auteurs comme Habermas de réserver le terme de morale pour désigner les règles de l'action au sujet desquelles se pose le problème de leur compatibilité avec les règles collectives. En comparaison, l'éthique concernerait le domaine des conceptions particulières (visions du monde ou de la vie) qui relèvent de préférences personnelles (le choix d'un métier, par exemple) et peuvent seulement être explicitées afin d'être comprises par autrui. Il est possible de faire une description de la morale d'un individu ou d'une société comme le font les sciences humaines, mais en faisant cela, on passe à côté de sa dimension normative ou impérative. La morale en effet est l'expérience d'un vécu humain marqué par le sentiment d'avoir bien ou mal agi, mais aussi par la conscience du devoir qui incombe à l'individu, lequel peut à l'occasion créer un dilemme pour la décision. Un des aspects importants de la morale est l'expérience du conflit entre le devoir et le désir, ou entre deux devoirs qu'il revient à l'individu de surmonter au terme d'une délibération solitaire ou partagée. Il importe de rappeler qu'une morale peut être religieuse ou laïque (par exemple, la morale catholique et la morale républicaine), et que la différence entre les deux porte parfois plus sur la motivation ou la signification que sur la règle de l'action proprement dite. Le propre de la morale religieuse est de fonder le devoir sur un système de croyances relevant en dernière instance de la foi en un ordre divin ou surnaturel, si bien que le devoir est vécu par le croyant comme un commandement de Dieu.
  • L'action considérée à première vue comme un mouvement du corps suggère une distinction entre au moins deux types : les actions productrices et les actions déterminatrices. Les actions productrices sont celles où l'agent réalise la fin à l'aide de son corps et de ses membres et en s'aidant le cas échéant d'outils et d'ustensiles. La fin qu'il réalise est un résultat direct de son activité, le seule variation concernant l'ordre dans lequel sont réalisées les diverses séquences de l'action. Ainsi, la construction d'une clef de voûte suppose que les opérations respectent un certain ordre afin de produire l'effet recherché ; en revanche, la préparation d'un jus de fruits n'exige pas d'ordre particulier dans le pressage ou le mélange des divers fruits. Les actions déterminatrices sont celles dont la fin est l'effet d'un processus causal déclenché par l'agent qui aboutit à la fin recherchée. La fin est un effet indirect de l'action et le processus causal peut être (a) un processus naturel ou (b) un processus technique. Par exemple, (a) un guide de haute montagne fait exploser une charge en altitude de façon à déclencher une avalanche (b) un employé de bureau appuie sur un bouton de son clavier de façon à déclencher le démarrage de son ordinateur. La considération de l'action productrice et de l'action déterminatrice pose le problème de l'intention, la première à partir de la thèse des mouvements corporels incolores, la deuxième à partir de la thèse des descriptions multiples. La première thèse pour les actions productrices affirme que les mouvements corporels composant une action sont neutres par rapport à leur description comme événement ou comme action. Ainsi, face à un ensemble de mouvements coporels, il est impossible de dire sur la base de la seule observation, qu'il s'agit d'un mouvement résultant de l'intention d'un agent, et non d'une mécanique corporelle.
  • La bonté est le concept indiquant une adéquation d'une réalité avec un idéal dans les limites de l'évaluation des conséquences de l'action. Le qualificatif de bon sert à exprimer le fait que quelqu'un est en faveur de quelque chose, qu'il s'agisse d'un événement, d'une action ou d’un objet. Ainsi, le mot bon peut être conçu dans un sens subjectif ("Ce clafoutis est très bon") ou dans un sens objectif ("Il est bon de donner aux pauvres"), qui peut également avoir un sens attributif ("C’est un bon moteur"). D’un autre point de vue, le mot bon peut être positionné sur une échelle de possibilité allant du mieux au moins bien, une échelle de préférence qui, dans le sens objectif du mot bon, est une échelle d’excellence. Cependant, il se peut qu’un individu juge que A est meilleur que B, et néanmoins préfère B à A, auquel cas cette préférence ne se fonde pas sur des raisons objectives. Le risque de telles acceptions de la bonté est de privilégier une signification relative au détriment d’une signification absolue qui semble plus en rapport avec les exigences de la morale. Du point de vue linguistique, la bonté-correspondance signifie qu'une proposition est bonne si elle exprime que quelque chose ou quelqu’un possède une qualité conforme à une idéal du bien valant en soi. La bonté-cohérence implique quant à elle qu'une proposition est bonne si elle n’est pas contradictoire avec un ensemble d’autres propositions desquelles elle dépend. La bonté-consensus enfin suggère qu'une proposition est bonne si elle est tenue pour bonne par les membres d’une communauté donnée.

Références

Sylvain Lavelle, Science, technologie et éthique, Ellipses, 2006.

Liens utiles

Site du Centre Ethique Technique et Société (CETS), ICAM de Lille